Le Dr Landsteiner est un médecin - lauréat de prix Nobel - dont les travaux ont sans doute permis, à ce jour, de sauver plus d’un milliard de vies. Il a notamment :
- découvert les groupes sanguins A, B et O
- découvert la transmissibilité de la poliomyélite
- contribué à la compréhension de l’immunité contre la poliomyélite, ce qui a conduit au développement de vaccins contre cette maladie
- démontré le développement d’hémolysines et d’hémagglutinines lorsque des globules rouges étrangers sont injectés aux animaux
- découvert les agglutinines froides, ce qui a permis d'élucider le mécanisme de l'hémoglobinurie paroxystique
- clarifié la base chimique de l'immunospécificité
- introduit la notion d’haptène, une substance de faible masse moléculaire qui est antigénique mais non immunogène
- mis au point la microscopie à fond noir pour la détection des spirochètes de la syphilis
- développé la technique de culture in vitro pour les rickettsies du typhus
- découvert le facteur Rhésus ou Rh (avec Weiner), élucidant ainsi le mécanisme de l’érythroblastose fœtale (également connue sous le nom de maladie hémolytique du nouveau-né)
En bref, Landsteiner était un génie qui travaillait sans relâche.
La première fois que j’ai lu un article concernant Landsteiner, je me suis demandé pourquoi je n’en savais pas plus sur lui. Aucun de mes collègues ou étudiants n’en savait davantage non plus. J’ai donc lu une biographie de Paul Speiser, à l’origine écrite en allemand et qui avait, heureusement, été traduite en anglais. J’ai découvert des archives d’articles de presse concernant sa nomination pour le prix Nobel de Médecine en 1930. À la question d'un journaliste du New York Times qui souhaitait savoir quelles autres applications sa découverte des groupes sanguins pourrait avoir, il a répondu : « Je pense que cette découverte pourrait aider à déterminer le coupable sur une scène de crime. »
En fait, Landsteiner avait déjà démontré dès 1903, avec Max Richter, comment un groupe sanguin pouvait être déterminé à partir d’un échantillon de sang séché et il avait suggéré que cela pourrait être utilisé dans la lutte contre le crime pour réduire la liste des suspects. Pour autant, lorsqu’il a été informé qu’il avait reçu le prix Nobel, il a été surpris d'apprendre que ce prix lui avait été décerné pour la découverte des groupes sanguins A, B et O. Il estimait que ce prix aurait dû saluer sa découverte des haptènes et son travail sur la spécificité de la réponse immunitaire.
Plus tard, j’ai lu sa nécrologie. J’ai appris qu’il avait été victime d’un infarctus du myocarde alors qu’il travaillait dans son laboratoire et qu’il avait été hospitalisé pendant plusieurs jours au Rockefeller University Hospital. Il est mort en juin 1943. J’ai alors appelé le Rockefeller University Hospital pour en savoir plus sur son dossier médical et il m’a été répondu que celui-ci avait été détruit. Incrédule, j’ai demandé qu'il me doit confirmé que le dossier médical du premier citoyen américain à avoir reçu un prix Nobel de Médecine avait été détruit. Un silence s'est installé au bout du fil, suivi d'un "Oui, je ne pense pas que nous le savions".
J’avais également lu qu’un fils, Ernst Landsteiner, lui avait survécu et - grâce aux solutions offertes par l’Internet du début des années 1990 - j’ai découvert qu’il vivait à Cap Cod dans le Massachusetts. Son numéro de téléphone était dans l’annuaire, je l’ai donc contacté : « Bonjour, vous ne me connaissez pas et vous êtes certainement fatigué de recevoir ce type d’appels. Je suis médecin allergologue et immunologue en Virginie. J’ai lu des articles au sujet de votre père. C’était un grand homme. J’aimerais en apprendre plus sur lui. » Il y eut une pause et Ernst répondit : « Personne ne m’a jamais appelé à son sujet. » Quelques minutes plus tard, il m’invitait à lui rendre visite pour parler de son père et voir les souvenirs qu’il avait conservés de son prix Nobel.
Ernst était un médecin retraité de Harvard, un urologue qui avait participé aux premières transplantations de rein. Nous nous sommes rencontrés pendant quelques jours au cours desquels il m’a raconté des anecdotes sur la vie de son père. Il m'a parlé de ses réalisations, mais aussi de ses luttes ansi que des difficultés et de l’isolement que son père ressentait. Nous nous sommes rendus ensemble sur sa tombe sur l'île de Nantucket, un endroit que Karl Landsteiner affectionnait tout particulièrement... Je ne revis jamais Ernst. Mais je lui suis reconnaissant pour le temps qu'il m'a consacré et pour tout ce qu’il m’a confié concernant son père.
Dans l’ouvrage Karl Landsteiner, A brief biographical memoir, Michael Heidelberger a écrit : « L'époque où un seul homme pouvait dominer toute la science est révolue. Karl Landsteiner était l'un des derniers à disposer d’un intellect capable de saisir et, mieux encore, d'utiliser pratiquement toutes les connaissances scientifiques de son époque. »
Michael Heidelberger a sans doute raison. Aujourd'hui, probablement personne n’est en mesure de retenir l’équivalent des quantités impressionnantes de connaissances que maîtrisait Landsteiner en son temps. Pour autant, la recherche continue de progresser. Et je suis fier de faire partie d’une équipe qui, chez EBSCO, œuvre sans relache pour offrir aux cliniciens les preuves les plus fiables via une application clinique pratique et adaptée aux besoins de notre époque.