H. Robert Cohen est un historien de la musique et le fondateur du Répertoire international de la presse musicale (RIPM). Comme la grande majorité des musicologues, sa mission est de découvrir et d’interpréter les histoires non racontées de la musique et de la vie musicale. Des histoires qui sont à la fois instructives et souvent négligées d’un point de vue historique. A ce sujet, il révèle que lorsqu’il travaillait sur sa thèse de doctorat, il a dû consacrer plusieurs mois à la recherche des sources documentaires dont il avait besoin pour ses travaux.

Fondé en 1980, le RIPM est, avec le Répertoire international des sources musicales (RISM), le Répertoire international de littérature musicale (RILM) et le Répertoire international d’iconographie musicale (RIdIM), l’un des quatre projets bibliographiques internationaux coopératifs dans le domaine de la musique. La MLA (Modern Language Association) décrit ces projets comme étant “...sans aucun doute les projets de documentation bibliographique actuels les plus importants dans le domaine de la recherche musicale”. Parmi ces quatre “R”, seul le RIPM se concentre sur la musique et la vie musicale de 1760 à 1966 environ.

Nous avons interrogé le Dr Cohen sur l’histoire et la mission du RIPM :

Quels sont les défis auxquels sont confrontés les chercheurs qui s’intéressent à la musique de cette période ?

Avant la création du RIPM, les chercheurs étaient confrontés à trois problèmes fondamentaux :

  1. Les exemplaires des revues étaient et sont encore dispersés dans toute l’Europe et l’Amérique. Ils sont souvent difficiles à trouver, souvent incomplets et parfois en très mauvais état.
  2. Les revues manquent d’index.
  3. Ce corpus littéraire est d’une envergure exceptionnelle. Entre 1760 et 1966, près de 4.500 revues musicales spécialisées ont été publiées.

Quand le mouvement de préservation et d’archivage de la littérature sur la musique et la vie musicale de cette période a-t-il commencé ?

L’importance d’accéder à la presse musicale est reconnue depuis les années 1930. Mais ce n’est qu’en 1980 que le RIPM a été créé pour répondre à ce besoin à l’échelle internationale.

Pourquoi ces revues musicales sont-elles si précieuses pour les chercheurs ?

L’accès à la presse musicale nous permet de voir la vie musicale d’une période donnée telle qu’elle était perçue par ses contemporains. De cette façon, cet accès fournit une perspective différente de celle offerte par les historiens. Il nous fournit également des repères pour nous guider à travers cette littérature, souvent inexplorée et nous informer sur ce qui pourrait être digne d’intérêt et pourquoi.

Une grande partie des musiques du monde n’a pas été enregistrée et les livres d’Histoire ne nous en donnent qu’une vision lointaine. Le RIPM s’est donné pour mission de recenser le contenu de la presse musicale pour cette période importante de notre histoire et de le mettre à disposition dans un format facilement consultable et interrogeable.

Comment le RIPM a-t-il relevé ces défis ?

Le RIPM travaille avec des collaborateurs dans plus de 20 pays et traite des revues musicales publiées dans plus de 30 pays. Les collaborateurs sélectionnent les revues, les indexent, en assurent le traitement des données et participent à la numérisation et à la reconstruction des éditions complètes de revues. Le RIPM dispose de son propre studio de numérisation et travaille avec des centres de numérisation dans toute l’Europe et en Amérique ; à New York, Washington D.C., Vienne, Bruxelles, Rome, Prague, Parme, Moscou, Bologne, Londres, Milan, Paris, Turin, Amsterdam, Leipzig et La Haye.

Vous mentionnez la densité de la littérature disponible. Comment le RIPM est-il capable de traiter une telle quantité de contenus ?

Nous traitons les revues de deux manières :

  1. Les revues contenues dans le RIPM Retrospective Index to Music Periodicals with Full Text et le RIPM Retrospective Index to Music Periodicals sont indexées de façon détaillée par des professionnels de la recherche en musique.
  2. Les périodiques inclus dans le RIPM Preservation Series : European & North American Music Periodicals ne sont pas annotés, mais le texte intégral peut être consulté et les termes de recherche sont mis en évidence sur chaque page. Par exemple, le tirage total de la publication Musical America comprend 80 000 pages avec une moyenne de 25 sujets (ou rubriques) par page.

Comment le RIPM est-il utilisé comme outil d’enseignement par les établissements universitaires ?

Le RIPM est utilisé pour déterminer dans quelle mesure la presse offre des informations non disponibles dans les “histoires” sur la musique. Il permet aux chercheurs d’obtenir des informations statistiques sur l’importance relative des compositeurs, des interprètes et des compositions au cours de leur vie. Il fournit également aux interprètes un guide bibliographique de compositions importantes mais souvent négligées.

Qu’offre le RIPM aujourd’hui ?

Les publications du RIPM offrent un accès en ligne à de vastes collections de revues musicales rares et des sources primaires datant de 1760 à l’époque moderne. Ensemble, ces archives uniques offrent une chronique quasi quotidienne de l’actualité musicale sur une période de plus de 200 ans (1760-1966). Elles donnent accès à plus de 400.000 critiques et offrent d’immenses possibilités de recherche originale. Le RIPM constitue également un complément essentiel à des ressources telles que la suite de bases de données du RILMMGG Online et Music Index.