Cela fait près de deux ans que l’équipe EBM Focus de DynaMed® a publié son tout premier article intitulé 10 choses à savoir sur le COVID 19. Et comme le disait récemment le président américain, Joe Biden : « Nous ne sommes pas en mars 2020… Nous en savons plus ! »... Les questions évoquées il y a deux ans sont, en effet, à 1000 lieux de l’état des connaissances actuelles. Dans la première édition, par exemple, une question récurrente concernant l’éventuelle dangerosité de "l'utilisation de l'ibuprofène pendant une infection au COVID-19 " était abordée, dans le deuxième article sur le même thème une question était consacrée à la supposée utilité des « compléments alimentaires pour prévenir une infection au COVID-19 ou en réduire la gravité ».
A l’orée de la troisième année de cette pandémie – alors que nous disposons désormais de vaccins, de traitements et de nouveaux variants aussi - il nous a semblé pertinent de vous présenter une troisième édition des « 10 choses à savoir sur le COVID-19 ». L'original de l’article ci-dessous a été rédigé par des professionnels de la santé, membres du comité de rédaction de DynaMed. Il a été publié sur le blog Health Notes d'EBSCO, le 27 janvier 2022.
1. A quel point Omicron est-il contagieux ?
Omicron est deux à trois fois plus contagieux que Delta. Ce variant a suscité de nombreuses inquiétudes concernant l’augmentation de la contagiosité et à la diminution de l’efficacité des vaccins. Le variant Omicron porte des dizaines de mutations sur la protéine spike, cible des anticorps monoclonaux et des vaccins existants. Les chercheurs estiment que ces mutations sont apparues chez un seul hôte immunodéprimé sur une période d’environ 10 mois, plutôt qu’au sein d’une souche unique qui aurait accumulé les mutations au cours de transmissions successives. Les premières études menées auprès des ménages et des cas contacts (non ajustées en fonction d'une vaccination ou d'une infection antérieure) montrent que 19 % des cas d’Omicron ont donné lieu à un cas secondaire au sein du ménage, contre 8% pour le variant Delta (odds ratio ajusté de 3,2 [95 %, IC 2,0-5,0, p <0,001].
2. Les vaccins actuels sont-ils efficaces contre Omicron ?
Oui – si le patient reçoit un rappel après un schéma vaccinal initial complet (2 doses). Une première étude cas-témoins non évaluée par des experts, portant sur l’efficacité du vaccin chez 581 patients atteints du variant Omicron a montré une efficacité de 70 à 75% contre les infections symptomatiques chez les patients ayant reçu un rappel, contre seulement 30% chez ceux qui n’avaient que les deux doses du schéma vaccinal initial. Il faut toutefois souligner que deux doses du vaccin de Pfizer offraient toujours une protection de 70% contre les maladies graves nécessitant une hospitalisation. Les patients étudiés avaient tous été initialement vaccinés avec les vaccins Pfizer ou AstraZeneca. Cependant, toutes les doses de rappel avaient été administrées avec le vaccin Pfizer. L’efficacité globale de cette vaccination (75%) contre le variant Omicron semble être nettement inférieure que celle observée contre le variant Delta. Cependant, cela reste tout de même considéré comme une efficacité vaccinale « modérée à élevée ». Les données des laboratoires Moderna et Johnson & Johnson font état d’informations similaires sur l’efficacité de leurs vaccins contre Omicron, mais les rapports cliniques de ces vaccins sont encore en cours de développement.
3. Est-il recommandé d’utiliser un vaccin de rappel diffèrent de celui administré lors du schéma initial pour renforcer l’efficacité de la protection ?
C'est possible. Bien qu'il soit désormais admis qu'aucun des vaccins n'offre une immunité à vie contre tous les variants du COVID, les vaccins à ARNm pourraient être plus faciles à produire et potentiellement plus efficaces à long terme. Une expérience pragmatique des plus intéressantes se déroule actuellement à l'échelle mondiale. Elle concerne un grand nombre de personnes initialement vaccinées avec un vaccin puis revaccinées avec un autre. Les épidémiologistes appellent cela un "mélange hétérologue" de vaccins. Les avantages théoriques incluent l'exposition à différents antigènes ou l'activation de différentes parties du système immunitaire. Les inconvénients peuvent inclure différents effets secondaires potentiels et un manque de clarté dans les messages de santé publique. Dans certains cas, ce mélange hétérologue se produit par nécessité, mais parfois aussi dans le cadre d’essais cliniques. Les premiers résultats semblent pencher en faveur du renforcement hétérologue, mais nous avons besoin de plus de données à long terme pour tirer des conclusions.
4. Les vaccins contre la grippe et le COVID-19 peuvent-ils être administrés en même temps ?
Oui, tout à fait. Au départ, les autorités sanitaires recommandaient qu’un délai d'au moins 14 jours soit respecté entre les vaccinations, principalement en raison d’un manque de données et pour éviter que les effets secondaires ne soient attribués à tort aux vaccins COVID-19. Cependant, il existe désormais des preuves que l'administration simultanée de vaccins est sans risque quant à une éventuelle diminution de la réponse immunitaire sur l’un ou l’autre des vaccins. Un essai randomisé multicentrique mené au Royaume-Uni a évalué la co-administration de deux vaccins COVID-19 (Pfizer et AstraZeneca) avec trois vaccins inactivés contre la grippe. Les journaux de bord des participants ont montré que les réactions systémiques se sont produites de la même manière dans les deux groupes. La réponse immunitaire - à la fois au COVID-19 et à la vaccination contre la grippe - a été maintenue. En définitive, l'administration simultanée des deux vaccins produit des effets secondaires similaires sans altérer la réponse immunitaire, et permet non seulement de protéger contre l'infection mais aussi de réduire le poids de ces maladies sur le système de santé.
5. La vaccination contre le COVID-19 est-elle sûre et efficace pendant la grossesse ?
Oui. De nombreuses organisations, dont la HAS, l’ANSM et le CRAT en France, le Conseil supérieur de la santé de Belgique et l’OFSP en Suisse recommandent la vaccination (et les rappels) contre le COVID-19 pour les femmes enceintes et allaitantes. Les études de cohorte indiquent que les vaccins sont sûrs et efficaces pour prévenir l'infection. Pour plus d'informations, consultez la rubrique COVID-19 et les patientes enceintes dans DynaMed.
6. Quelle est la fiabilité des tests antigéniques réalisés à domicile ?
Les nouvelles à ce sujet ne sont pas très bonnes. Une étude de 2020 comparant différents tests RT-PCR à des tests antigéniques rapides a montré que les taux de détection étaient de 51 à 82 % pour les tests de diagnostic moléculaires contre 12 % pour les tests antigéniques rapides. Tous les tests ont donné de meilleurs résultats lorsqu'ils étaient effectués dans les neuf jours suivant les premiers symptômes – comparativement aux tests effectués plus tard ou chez des personnes asymptomatiques. La situation semble un peu plus positive lorsque l’on examine une revue Cochrane de 2021 portant sur 48 études évaluant des tests antigéniques commerciaux. Cette revue a montré une sensibilité de 69% (IC 95% 62%-75%) et une spécificité de 99,6% (IC 95% 99%-99,8%). Les recommandations actuelles reflètent principalement la nécessité de réaliser des tests de confirmation lorsque les tests antigéniques sont positifs et de procéder à des mesures de quarantaine systématiques lorsque les tests antigéniques sont négatifs. En ce qui concerne le test RT-PCR, de nouvelles données suggèrent que – pour Omicron - les frottis de salive pourraient être plus performants que les auto-prélèvements au niveau des narines.
7. Le Molnupiravir est-il efficace ?
Le Molnupiravir semble plutôt bien fonctionner, du moins contre le variant Delta. Cet antiviral oral, a reçu une autorisation d’urgence de la FDA pour les patients adultes à risque atteints d’un COVID-19 léger à modéré. Le début du traitement doit alors survenir dans les cinq jours suivant l’apparition des symptômes. L’essai randomisé MOVe-OUT , mené entre mai et novembre 2021, a porté sur 1 433 adultes non hospitalisés et non vaccinés, atteints d’une forme légère à modérée du COVID-19 et présentant au moins un facteur de risque de maladie grave. Ils se sont vus administrer du Molnupiravir (800 mg deux fois par jour) ou un placebo pendant cinq jours, en commençant le traitement dans les cinq jours suivant l'apparition des symptômes. Au cours d’une analyse intermédiaire planifiée et effectuée lorsque 50 % des patients avaient été suivis pendant 29 jours, on a constaté que le Molnupiravir réduisait significativement le risque de décès ou d'hospitalisation (toute cause confondue) par rapport aux résultats observés au sein du groupe « placebo » (7,3 % vs 14,1 %, p = 0,001). Notons toutefois que – des résultats d’études menées sur les animaux, laissent apparaître que le Molnupiravir n'est pas considéré comme sûr pour les enfants ou les femmes enceintes.
8. Quoi de neuf concernant le Remdesivir ?
Les avis sur le Remdesivir restent controversés, mais ce médicament pourrait finalement s’avérer utile. Les résultats de l’essai SOLIDARITY de l’OMS ont été décevants, car le Remdesivir n’a pas amélioré le taux de survie lorsqu’il a été ajouté au traitement standard prescrit aux patients hospitalisés. Parallèlement, deux méta-analyses, ont montré que le Remdesivir semblait réduire le besoin de ventilation mécanique chez les patients admis sous oxygénothérapie. Dans une autre étude, il apparait que si l’on administre le Remdesivir pendant trois jours à des patients souffrant d’une forme légère à modérée du COVID 19 et soignés en ambulatoire cela réduit le risque d'hospitalisation ou de décès – A cet égard, notons que personne n’est réellement décédé pendant la durée de l'étude, soit 28 jours. Ainsi, dans l’ensemble, les données relatives au Remdesivir semblent prometteuses en ce qui concerne la prévention des hospitalisations et d’une évolution de la maladie vers des formes plus graves.
9. La fluvoxamine est-elle vraiment une option thérapeutique envisageable pour les patients atteints de COVID-19 ?
A ce jour, il semble que l'utilisation de la Fluvoxamine soit réservée au traitement de troubles obsessionnel-compulsifs (TOC). L’étude la plus importante concernant la prescription de Fluvoxamine chez les personnes atteintes de COVID-19 (essai TOGETHER) a porté sur l’évaluation de ce médicament chez les patient symptomatiques présentant un risque plus élevé de développer une forme grave du COVID-19. Au Brésil, 1 497 adultes ont été répartis en deux groupes de façon aléatoire. Chacun des groupes s’est vu administrer – sur une période de 10 jours soit une dose de Fluvoxamine (200 mg par jour), soit un placebo. La Fluvoxamine a été associée à un risque plus faible de séjour prolongé aux urgences ou de transfert vers un hôpital tertiaire (11 % contre 16 %). Cependant, le risque d'hospitalisation pour cause de COVID-19 ou de décès ne différait pas significativement entre les deux groupes. L'IDSA (Infectious Disease Society of America) recommande actuellement que la Fluvoxamine ne soit envisagée pour les patients non hospitalisés que dans le cadre d'essais cliniques.
10. Que sait-on du COVID long ?
Aujourd’hui, aucune définition du Covid long n’a encore fait l’objet d’un consensus international. Cependant, il existe de plus en plus de preuves qui démontrent que le Covid long est un groupe de plus de 50 affections et symptômes qui ont en commun le fait d’avoir été précédé par une infection au COVID-19. L'OMS semble définir le COVID long comme une « maladie » multi-systémique qui persiste pendant un à trois mois après l'infection, et le "post-COVID" comme des symptômes qui persistent pendant plus de trois mois. À ce stade, en plus du psychotraumatisme collectif créé par la pandémie, il est clair que les personnes qui ont souffert du COVID présentent également souvent des séquelles objectivement mesurables, notamment une altération de la fonction cardiaque visible à l'échographie, des cicatrices pulmonaires visibles au scanner et des modifications cérébrales visibles à l'IRM (contribuant probablement aux trois symptômes les plus courants : fatigue, dyspnée et modifications cognitives). Bien qu'il existe une certaine corrélation entre la gravité de l'infection initiale et les symptômes à long terme, de nombreuses personnes souffrant de COVID long sont des jeunes précédemment en bonne santé, qui ont souvent eu des infections initiales bénignes, voire asymptomatiques. Il est probable que l'année 2022 apportera davantage de réponses, mais pour l'instant, il semble que le COVID long soit fréquent et grave - ce qui plaide en faveur de la vaccination par rapport au traitement.