Au printemps 2020, les scientifiques du monde entier ont multiplié les expériences pour identifier des agents capables de protéger les cellules humaines contre le SRAS-CoV-2, virus à l’origine du COVID-19. De nombreux médicaments ont donné des résultats encourageants lors d’essais in vitro - notamment l’hydroxychloroquine, l’ivermectine et certains médicaments antiviraux utilisés contre le VIH. Toutefois, les résultats obtenus dans des conditions in vitro ne se traduisent pas toujours par des bénéfices cliniques chez les patients. De nombreux médicaments prometteurs issus d’expérimentations réalisées dans une boîte de Pétri ou une éprouvette ont ainsi échoué ou donné des résultats peu concluants lors des tests in vivo. Et certains font encore l’objet de recherches.
Pour autant, un antiviral s’est récemment distingué dans la course au traitement du COVID-19 : le Molnupiravir. Utilisé au Royaume-Uni dès le 4 novembre 2019, ce médicament - commercialisé sous le nom de MK-4482 ou Lagevrio - a reçu le feu vert de l’Agence Européenne du Médicament le 19 novembre 2021. Moins d’une semaine plus tard, le 25 novembre, lors d’une conférence de presse, le Ministre de la Santé français, Olivier Véran en annonçait l’autorisation de prescription aux personnes à risque de faire des formes graves de la maladie, âgées de plus de 65 ans et symptomatiques ou souffrant de maladies chroniques.
Le mécanisme d’action du Molnupiravir est similaire à celui du Remdesivir, un autre antiviral, étudié dans le cadre de la course aux traitements contre le COVID-19. Il inhibe l’ARN polymérase virale, bloquant ainsi la capacité du virus à se reproduire. Initialement étudié dans le cadre d’un traitement contre la grippe, il a été testé sur le SRAS-CoV-2 au début de la pandémie et, comme le Remdesivir, il a pu empêcher la croissance du SRAS-CoV-2 in vitro.
Dans une étude clinique de phase 1 chez des volontaires sains, le Molnupiravir a été bien toléré et n’a provoqué aucun effet indésirable grave. Il a donc été testé dans une étude de phase 2 chez des patients atteints de COVID-19. Il est alors apparu que ce médicament réduisait les virus infectieux et diminuait le temps nécessaire à l’élimination du SRAS-CoV-2 chez les patients ambulatoires atteints de COVID-19. Toutefois, cette étude n’a pas été conçue pour évaluer les résultats cliniques tels que les hospitalisations et les décès.
Merck, laboratoire américain qui développe ce médicament, a ensuite communiqué les résultats d’un essai randomisé de phase 3 dans un communiqué de presse. Selon ces résultats, le Molnupiravir s’est montré si efficace chez les patients ambulatoires atteints de COVID-19 que l’étude a été interrompue prématurément (car on considérait qu’il était contraire à l’éthique de continuer à administrer un placebo aux patients). Bien que nous n’ayons pas accès aux données primaires et que nous ne soyons pas en mesure d’évaluer les méthodes de l’étude, Merck a indiqué que le Molnupiravir réduisait environ de moitié le risque d’hospitalisation chez les patients atteints de COVID-19 léger à modéré et présentant au moins un facteur de risque de maladie grave. En outre, Merck précise que pendant la durée de l’étude, huit patients sont décédés dans le groupe placebo, tandis qu’aucun des patients ayant reçu le Molnupiravir n’est décédé.
Ces résultats sont encourageants. Ce type de traitement antiviral représente selon certains experts une avancée majeure dans la lutte contre la pandémie, en ce sens qu'il permet de diminuer les formes graves de la maladie à l’aide de simples comprimés pris rapidement après l’apparition des symptômes, en cas d’infection.
Le Molnupiravir est également testé en tant que prophylaxie post-exposition afin de déterminer s’il peut empêcher la propagation du COVID-19 au sein des ménages. S’il est efficace pour prévenir les maladies graves lors de contacts étroits, il pourrait constituer un outil supplémentaire pour protéger les populations les plus vulnérables et à haut risque.
Ce 30 novembre, la FDA (Food and Drug Administration) américaine qui délibérait sur l’octroi ou non d’une autorisation d’urgence (EUA) au Molnupiravir, a estimé que cet antiviral était efficace contre le risque d’hospitalisation, mais un peu moins que prévu. Son efficacité est, en effet, jugée à environ 30% contre les hospitalisations et décès chez les patients à risque ayant eu accès au traitement rapidement après avoir été contaminés. Pour autant, le groupe d’experts de la FDA a voté en faveur de l’autorisation d’utilisation d’urgence de cet antiviral aux Etats-Unis dans le cadre du traitement du COVID-19. Si ce vote est confirmé par la FDA, le Molnupiravir sera le premier traitement antiviral à prendre à la maison, par voie orale pour lutter contre le COVID-19. Un second médicament de ce type, le Paxlovid, provenant du laboratoire Pfizer, est également considéré pour une autorisation d’urgence par la FDA.
Cet article s’inspire d’un exposé sur le même thème rédigé par Heather D. Marshall, PhD et Vito Iacoviello, MD. Pour en savoir plus sur les preuves et informations qui y sont présentées, cliquer sur le bouton ci-dessous.