Les résultats d’une récente étude sur les différences qui existent entre les hommes et les femmes quant aux risques cardiovasculaires associés à la pression artérielle ” suggèrent qu’il serait nécessaire de revoir à la baisse le seuil de [pression artérielle systolique] optimal pour les femmes”. Que valent vraiment ces conclusions ? Pour le savoir, arrêtons-nous un instant sur les preuves disponibles.

Cette étude s'est appuyée sur les données issues de 4 autres travaux de recherche qu'elle a passé en revue : l’étude Framingham, une étude multiethnique sur l’athérosclérose, une étude sur le risque d’athérosclérose dans les différentes communautés et une étude sur le développement du risque de maladie coronarienne chez les jeunes adultes. Des analyses par score de propension considérant le sexe ont été utilisées pour déterminer le rapport de risque entre les femmes et les hommes, concernant certaines maladies cardiovasculaires au fil du temps. Les auteurs de l’étude en ont conclu que le risque de morbidité cardiovasculaire chez les femmes commençait à partir d’une pression artérielle systolique moins élevée que chez les hommes. Ils ont dès lors suggéré que la pression artérielle devrait être fixée à un seuil plus bas chez les femmes.

Cette association faite entre la pression artérielle et le risque cardiovasculaire ne date pas d’hier. La quasi-totalité des études, des rapports et des directives concernant les seuils de diagnostic de pression artérielle (ou les objectifs de traitement de la pression artérielle) citent les mêmes données épidémiologiques sous une forme ou une autre. Les représentations graphiques de ces données montrent une ligne ascendante et claire de la pression artérielle sur le risque d’accident cardiovasculaire et présentent une grande similitude graphique avec les données publiées dans cette récente étude. Au vu de ces schémas, on comprend facilement pourquoi tant de personnes en sont arrivées à penser qu’il existe une corrélation linéaire entre la pression artérielle et le risque cardiovasculaire - plus la pression artérielle est basse, mieux c’est. Mais l’interprétation, apparemment simple, de ces graphiques peut prendre des aspects bien différents, si l’on y porte un regard plus critique.

En réalité, tout d’abord, il existe bien plus de données que ces chiffres souvent cités, qui ne représentent qu’un échantillon sélectif des données disponibles. Si l’on suit cette ligne parfaitement linéaire dans la direction de l’axe des Y -c’est-à-dire en incluant les mesures de pression artérielle les plus basses-, on remarque qu’elle s’incurve et devient une courbe en forme de J ou de U, ce qui indique qu’au-delà d’un certain seuil, le risque cardiovasculaire augmente même avec les niveaux de pression artérielle les plus bas. Il en va de même pour le risque de décès.

Et puis, il y a aussi ces données issues d’essais cliniques, qui indiquent que traiter la pression artérielle de manière excessive peut entraîner, entre autres événements indésirables, des anomalies électrolytiques, des chutes, des lésions rénales… et même la mort.

Surtout, gardons en mémoire – dans le cas présent - que cette courte enquête est basée sur des données d’observation ; le genre de données qui se trouve tout en bas de la pyramide des preuves parce qu’elles sont moins valides sur le plan interne et potentiellement plus éloignées de la vérité que les données recueillies de manière prospective - par le biais d’essais randomisés- et analysées au moyen d’un examen systématique.

L’absence de randomisation laisse, ici, place à la possibilité, très réelle, que des facteurs de confusion, connus ou inconnus, puissent jouer un rôle causal plus important dans le risque cardiovasculaire que la pression artérielle elle-même. Cette possibilité est au moins aussi probable que l’idée que l’hypertension artérielle soit le lien direct avec la morbidité et la mortalité cardiovasculaires.

On ne peut donc pas faire d’hypothèses causales à partir des données d’observation.

Et dans ce cas précis, passer directement de données d’observation à l’affirmation selon laquelle les recommandations doivent être modifiées pour revient à sauter l’étape peut-être la plus importante : l’essai contrôlé randomisé.

Malgré tout, ces données sur les différences existant entre les hommes et les femmes par rapport aux risques cardiovasculaires associés à la pression artérielle constituent un argument convaincant en faveur d’un essai visant à évaluer d’éventuels liens de causalité.

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